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L’acné de la femme adulte : le Rubik’s cube de la dermatologie

Pr Brigitte DRÉNO
Revue No. 106

L’acné est une dermatose inflammatoire qui concerne 85 % de la population des 11—30 ans à travers le monde1. À l’échelle nationale, la dermatologie représente 4,5 % des motifs de consultation en médecine générale2. Au cours de la dernière décennie, la prévalence de l’acné a augmenté chez les femmes, en effet elle est actuellement de 15 % à 50 % selon les études3,5. L’acné de la femme présente une physiopathologie spécifique, avec une prise en charge, une éducation thérapeutique et des traitements qui lui sont propres. Sa prise en charge est donc multimodale, avec des interventions à plusieurs niveaux (changement dans le mode de vie et introduction de thérapeutique), cette pathologie incarne donc un véritable Rubik’s cube en dermatologie.

 

L’acné de la femme : qui ?

L’acné de la femme est définie comme une acné apparaissant à l’âge adulte, dans une tranche d’âge comprise entre 25 et 40 ans suivant la classification internationale.

Il existe souvent un antécédent d’acné de sévérité différente dans l’adolescence, avec un continuum depuis cette période, sans réel intervalle libre. Mais l’acné de la femme peut aussi apparaître à l’âge adulte.

L’acné de la femme :
quels diagnostics différentiels ?

Il y a deux diagnostics différentiels principaux à évoquer devant une suspicion d’acné de la femme : la rosacée papulopustuleuse et la dermite péri-orale. Dans l’acné de la femme, le clinicien retrouvera toujours une hyperséborrhée associée à des comédons, ces éléments sémiologiques sont absents en cas de rosacée ou de dermite péri-orale. 

L’acné de la femme : pourquoi ?

Quelles sont les causes de l’acné de la femme ? Cette question est souvent posée par les patientes en consultation, étant donné que dans l’imaginaire collectif, l’acné est une dermatose affectant uniquement l’adolescent, avec un pic d’incidence entre 14 et 16 ans. Il faudra alors lui expliquer que c’est (a) un problème hormonal dans certains cas, un bilan biologique sera alors prescrit afin d’écarter une éventuelle endocrinopathie, puis (b) une utilisation possiblement inadaptée de la cosmétique, avec des produits comédogènes et inadaptés pour une peau à tendance acnéique. Devant une acné de la femme, le réflexe doit être de vérifier s’il existe des signes d’hyperandrogénie centraux associés avec notamment une hyperpilosité et une alopécie de type androgénique. Il faut dans ce cas pousser les explorations et rechercher une tumeur ovarienne ou surrénalienne avant tout. Pour se faire, selon le diagnostic suspecté, il est possible de prescrire les dosages sanguins indiqués dans le tableau ci-dessous :

 

L’acné de la femme

 

L’acné idiopathique de la femme est surtout liée à une hyperandrogénie périphérique cutanée, le bilan hormonal étant normal ou avec une augmentation isolée du sulfate de DHEA. Sur le plan clinique, l’acné de la femme est souvent de localisation mandibulaire à type de kystes inflammatoires, avec une hyperséborrhée importante, des poussées prémenstruelles et un fin duvet sur le visage au niveau de la lèvre supérieure et de la zone prémandibulaire. Les deux autres facteurs étiologiques prédominants chez la femme sont la cosmétologie et le stress. La prise en charge de ces patientes doit, par conséquent, débuter par un interrogatoire précis sur l’utilisation des cosmétiques. À ce propos, selon une étude de l’Université de Bretagne Ouest, une femme utilise quotidiennement 16 produits cosmétiques en moyenne6. Le rôle du praticien sera alors de détecter les cosmétiques inadaptés, comédogènes et pourvoyeurs d’acné.

L’acné de la femme : quelle est la prise en charge en médecine générale ?

Traitement

Comment traiter une femme atteinte d’acné ? Tout d’abord, cela dépendra du degré de gravité de l’acné qui affecte la patiente. Cette évaluation du grade de sévérité est basée sur l’utilisation d’une grille spécifique à l’acné de la femme, appelée échelle AFAST7 (Figure 1).

Si le grade est trop sévère (grade 4), l’isotrétinoïne reste l’option thérapeutique recommandée en première intention, même chez une femme en âge de procréer à condition qu’une contraception bien conduite soit en place, et avec des bilans biologiques de contrôle réguliers8. Il faudra, dans ce cas précis, adresser la patiente à un dermatologue. Dans les autres cas, la gestion de ces patientes peut tout à fait se réaliser en médecine générale, avec en première intention l’introduction de traitements topiques dans les grades de sévérité mineurs (rétinoïdes et antibiothérapies).

Dans les grades de sévérité modérés, il est recommandé d’introduire en première intention une combinaison de traitements topiques et une antibiothérapie per os (cyclines)8. Par ailleurs, lorsque la thérapeutique choisie a permis un contrôle des lésions, il y a un risque de rechute important en particulier dans l’acné de la femme. Il est donc recommandé de poursuivre un traitement d’entretien par des topiques (rétinoïdes ou acide azélaïque)9,10. De même, si la patiente souhaite une contraception orale, il sera recommandé de proposer une pilule contraceptive de 3e ou 4e génération, moins pourvoyeuses d’acné en comparaison des pilules de 1re et 2e génération, en ayant éliminé les contreindications éventuelles en amont8. Il est à noter également que les pilules à base de progestatifs seuls sont également plus pourvoyeuses d’acné que les pilules de 3e et 4e génération.

Conseils dermo-cosmétiques

La prise en charge de l’acné de la femme passe également par la recherche de l’utilisation de cosmétiques inadaptés. En effet, les traitements mis en place sont très importants mais tous les soins complémentaires et notamment la dermo-cosmétique l’est également. Des cosmétiques inadaptés peuvent induire l’entretien de lésions acnéiques, voire leur aggravation, et une moindre efficacité des traitements introduits. 
Il faudra donc rappeler aux patientes la nécessité d’un lavage doux du visage, sans frottement, avec un gel nettoyant matin et soir pour la toilette et la douche de pH acide aux alentours de celui de la peau (pH 5,5) (exemple de gammes adaptées : Atoderm de Bioderma, A-Derma de Pierre Fabre, Effaclar de La Roche Posay) ; il faudra également hydrater le visage le matin pour restaurer la barrière cutanée et le microbiome cutané (p. ex., produits Bioderma, La Roche Posay, Avène, Ducray). Les traitements curatifs, quant à eux, seront à appliquer le soir sur tout le visage sans frotter (pas uniquement sur les lésions).
Il est également à rappeler que la protection solaire est cruciale pour la prévention des cicatrices d’acné et l’hyperpigmentation. Une protection solaire SPF50 anti-UVA long et protégeant de la lumière bleue est donc à recommander tout au long de l’année (p. ex., de La Roche Posay, Bioderma, Avène), le but étant également de prévenir l’apparition des poussées (flareup) post-été et de la pigmentation post-inflammatoire. D’autre part, il faudra indiquer à la patiente de stopper l’utilisation de produits qui risqueraient d’entretenir l’acné malgré l’introduction de traitements curatifs : éviter tous les produits à base d’huiles essentielles qui sont allergisants et irritants, ainsi que les produits
« bio », les masques et les gommages, qui sont rarement testés sur peaux à tendance acnéiques.

Spironolactone

À noter dans les perspectives à venir, l’arrivée de la spironolactone dans le traitement de l’acné de la femme adulte, à des posologies bien différentes de celles utilisées dans l’insuffisance cardiaque11; en revanche cette utilisation reste pour le moment de prescription hospitalière. En effet, les résultats d’une étude réalisée dans le cadre d’un PHRC ont permis de déposer un dossier de demande d’autorisation compassionnelle auprès de l’ANSM pour que les dermatologues puissent le prescrire et que les patientes soient remboursées11-13. Si besoin, il conviendra donc d’adresser la patiente vers un dermatologue pour bénéficier de ce traitement.

 

Figure 1 : Échelle d’évaluation de l’acné de la femme AFAST (Adult Female Acne Scoring Tool, d’après Auffret et coll. 2016). Figure 1 : Échelle d’évaluation de l’acné de la femme AFAST (Adult Female Acne Scoring Tool, d’après Auffret et coll. 2016).

Figure 1 : Échelle d’évaluation de l’acné de la femme AFAST (Adult Female Acne Scoring Tool, d’après Auffret et coll. 20167).

 

Quelques cas particuliers

Le clinicien est fréquemment questionné sur les facteurs déclenchants/aggravants de l’acné, et notamment certaines périodes de vie ou certains états de santé qui influenceraient plus ou moins l’apparition de cette pathologie. Il est donc important de rappeler que chez la femme enceinte qui n’a jamais présenté d’acné, il est rare que cette pathologie apparaisse à l’occasion de la grossesse. À l’inverse, une patiente enceinte ayant eu de l’acné précédemment pourrait présenter une rechute de l’acné, voire une aggravation des lésions, si elle en avait déjà au début de la grossesse. Par ailleurs, il est fréquent que les patientes questionnent les praticiens sur le rôle de certains facteurs de l’exposome sur l’apparition de l’acné. Il faut rappeler qu’à ce jour, l’alimentation n’a pas de rôle significatif démontré sur les poussées d’acné à l’exception d’une prise importante de sucres d’assimilation rapide. De la même façon, les patients en situation d’obésité ne sont pas plus à risque de développer une acné ; en revanche, devant une patiente atteinte d’obésité et d’acné, il faudra évoquer un syndrome des ovaires polykystiques. Il est important de rappeler que le tabagisme actif joue un rôle dans l’apparition et la persistance de l’acné, ce qui peut être un levier supplémentaire pour motiver une patiente à l’arrêt de la cigarette.

 

Conclusion

L’acné de la femme adulte est une dermatose complexe, qui affecte grandement la qualité de vie des patientes. Sa prise en charge est multimodale et centrée sur la recherche de facteurs favorisant l’apparition et/ou la persistance de cette pathologie, comme une cosmétique inadaptée, mais également sur l’introduction de thérapeutiques hormonales, antibiotiques et/ou rétinoïdes topiques. Dans les perspectives thérapeutiques, la spironolactone apparaît comme un candidat incontournable dans la prise en charge de cette pathologie et représente donc un espoir thérapeutique pour les années à venir.

 

Marie-Ange Dagnelie / PhD, Université de Montpellier
Pr Brigitte Dréno / Chef du service de dermatologie
Centre Hospitalier Universitaire de Nantes

 

Bibliographie

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